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"Du balai. Essai sur le ménage à domicile et le retour de la domesticité", de François-Xavier Devetter et Sandrine Rousseau : le ménage, un problème politique

Les aides fiscales qui devaient permettre aux classes moyennes d'accéder aux services à domicile n'ont pas changé la donne : parmi les ménages de moins de 60 ans, le recours à une femme de ménage reste réservé aux familles les plus fortunées.

Par Anne Chemin

Publié le 30 mars 2011 à 15h46, modifié le 30 mars 2011 à 15h46

Temps de Lecture 2 min.

Astiquer, briquer, nettoyer : question mineure, penseront certains avec un brin de condescendance. Question éminemment politique, rétorquent François-Xavier Devetter et Sandrine Rousseau dans un excellent Essai sur le ménage à domicile et le retour de la domesticité. "Le ménage est un jeu de pouvoir qui renvoie aux rapports de genre, à la définition du travail et à sa division, bref, à une véritable économie politique", affirment ces deux économistes de l'université de Lille-1.

Ils le démontrent avec talent dans un petit livre intitulé malicieusement Du balai. Loin de constituer une activité anodine ou insignifiante, le ménage est, selon eux, l'une des clés des inégalités hommes-femmes. Aujourd'hui, les hommes consacrent environ une heure par jour aux tâches ménagères, les femmes... plus de trois ! Malgré les discours, ce déséquilibre n'évolue guère : de 1986 à 1999, les hommes n'ont fourni que quatre minutes de travail domestique supplémentaire...

Dans un pays qui vénère le "présentéisme" au travail, ces inégalités pèsent lourd sur les carrières des femmes. Elles conduisent donc les couples les plus riches à "externaliser" les tâches ménagères, développant du même coup l'aide à domicile. Soutenu par des aides fiscales considérables, porté par un discours public enthousiaste, ce secteur est aujourd'hui paré de toutes les vertus : il permettrait à la fois de créer des milliers d'emplois et de professionnaliser des métiers dévalorisés.

Domesticité

Chiffres à l'appui, François-Xavier Devetter et Sandrine Rousseau démontrent que ces objectifs sont loin d'être atteints. Les aides fiscales sont si importantes (9 milliards d'euros en 2008) que le coût d'un emploi se révèle extrêmement élevé : en fonction des modes de calcul, il varie de 5 800 à... 130 000 euros. Bas salaires, horaires atypiques, absence de perspectives professionnelles, rareté des formations, absence de considération sociale : ces métiers restent, malgré les efforts de modernisation du secteur, de "sales boulots".

La démocratisation promise par les pouvoirs publics n'a en outre pas eu lieu. Les aides fiscales qui devaient permettre aux classes moyennes d'accéder aux services à domicile n'ont pas changé la donne : parmi les ménages de moins de 60 ans, le recours à une femme de ménage reste réservé aux familles les plus fortunées. "L'appartenance au dernier décile des revenus demeure une condition sine qua non du recours à des services domestiques", constatent M. Devetter et Mme Rousseau.

Leur conclusion est claire : "Loin de résoudre le problème du poids des tâches domestiques, l'externalisation ne fait que les transférer à d'autres, dans des conditions défavorables, et selon une logique qui suppose des inégalités et qui les renforce." Les deux économistes défendent donc une tout autre logique : mieux répartir le travail domestique au sein du couple, créer des modes de garde de qualité pour les jeunes enfants et "féminiser" les parcours professionnels des hommes en leur proposant congés parentaux et réduction du temps de travail, comme le font déjà certains pays nordiques.

M. Devetter et Mme Rousseau plaident également pour que la politique de soutien à l'aide à domicile, qui coûte très cher, cesse de financer des services de confort qui ne bénéficient qu'aux ménages aisés - ménage ou cours de piano. Pour s'éloigner de ce modèle inspiré de la domesticité, il vaudrait mieux, selon eux, redéployer les budgets dans des secteurs qui présentent une véritable utilité sociale, comme l'aide aux personnes âgées dépendantes ou les services de soins et d'éducation aux jeunes enfants.


DU BALAI. ESSAI SUR LE MÉNAGE À DOMICILE ET LE RETOUR DE LA DOMESTICITÉ

de François-Xavier Devetter et Sandrine Rousseau. Ed. Raisons d'agir, 128 p., 8 €.

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